La Moisson du ciel
La douceur allouée à nos échines
sur le chemin
l’arbre cloué
seul
par les oiseaux
abandonné
L’alphabet oublié
s’accroche aux voûtes du souvenir
Gratitude
pour la chair de loi
le souffle de peu
des filières cousues
Je me rappelle une sœur qui m’aimait
Je pleure sans leurre
à la vie
lorsque j’entends
les hommes bouleversés de joie
Gratitude à la mort
l’amour vivant
les corps
et tout s’éteindra
Dans l’enceinte gracieuse de la Terre
au rythme de l’enfance
un petit garçon contre le mur
berce
son père
sur ses genoux
Je veux bien tout perdre
pour te trouver
Toi qui es sans nom et sans visage
mon Amour
la vie
le sourire restitué
mon heure
contre ton épaule profonde
et nous pourrons chanter les berceuses
dont le monde s’est passé
Pauvre de lui !
Redonne-moi mon nom
que je puisse t’offrir
mon courage très doux
De quoi avions-nous peur lorsque nous sommes venus ?
Des lions jaunes courent dans la pierre
et la nourriture n’est jamais bleue
que dans le regard des femmes heureuses
Je ne suis pas fatiguée de faire ta louange
J’écris sur des tickets de caisse
la moisson du ciel
Tu as eue de la chance
petite
de pouvoir aimer ta mère
toi qui lèves une langue disparue
ton sein tendu sous le tissu de l’avenir
Regarde-moi
et nous chanterons tour à tour
ton cantique souillé
avec mes voix démunies de mûriers
Quelle pensée Dieu ose-t-il incarner à Auschwitz ?
Le fou-rire des enfants frondeurs
s’en moque
Je ne peux pas oublier
Je me retire dans le palais de ma gratitude
d’où je t’écris
Tu m’entends sous le silence
de la guerre aux mains pendues
Un homme sans tête
bras croisés
repose dans l’inquiétude
et la charge de ses yeux humides
signe l’abandon aux mèche blondes
que le navigateur chérit dans sa doublure
Reste-t-il quelque capitaine
penché sur ses mappemondes
pour traverser nos océans de gratte-ciels contemporains ?
Je veux avoir confiance en nous
dans la nouvelle civilisation
atroce
et alors je descends de son train stupide
et d’un mot nous tire
hors de sa terreur
dans l’abîme soyeux
de ta grâce
Les pas de l'oiseau dans la neige
Amandiers, oranges sauvages
Grenadier parvenu à maturité
Rêve qui nous emporte
Amour en moi, amour vivant
C'est juste un art de la vie
En laquelle l'éternité se mire
Acrostiche réalisé à partir de fragments de poèmes de : Claude Vigée, Michel Ménaché & Yannis Ritsos, Ella Yevtouchenko, Thierry Bourcy, Rita Mestokosho & Laurence Nobécourt, Christian Bobin, François Cheng.