« Saint ou forçat, il m’est égal. Je suis l’homme des temps anciens et celui de demain. J’ai fait le mal. Je ne donnais pas la joie, je donnais l’espérance. Les humains meurent de l’espérance, de cet infâme gibier qui traque les chasseurs désarmés que nous sommes. Je suis de l’espèce des humains. Comme vous mes frères, c’est de là que je viens. Une saison de fatalité n’aura pas eu raison de mon destin. Celui d’être homme, conscient, parmi les autres hommes. Je ne regrette rien, rien du tout. Ni le forçat que j’ai été, ni le saint. Maintenant, à moi l’idiotie, le paradis terrible!»
« Et je dois vous dire qui je suis. Je suis la substance présente, je suis la chair et le verbe mêlés, je suis l’homme vaincu au service du mystère, je suis le fou et la bête, la femme, le bègue et l’étranger. Je suis l’enfant et le fauve, le cerf et la biche, la biche qui danse parce qu’elle n’a plus honte et le cerf qui danse parce qu’il n’est plus fier. Je suis la clairière et la forêt, je suis l’eau, le feu et la terre à venir. Je suis ce que nous sommes. Et nous sommes l’autre. »
Lorette Nobécourt fait le bilan de l’humanité qui s’est éloignée de l’humain : les foules meurtrières, la barbarie, l’innocence pervertie, les bêtes abattues et la nature pourrie. Tout cela doit être pris en charge et transfiguré. Langue est substance. Et c’est là que prend essor ce livre époustouflant qui, d’un seul geste d’écriture, fait le constat de qui nous sommes pour nous nous porter là où a lieu la fracassante fusion du corps et du verbe.